samedi 23 mars 2013

Brulures


PRISE EN CHARGE DES BRULES ET PREMIERS SOINS
(Professeur Philippe MASSIN)

Les brûlures sont des agressions cutanées fréquentes de gravité variable. Leur prise en charge doit commencer par une appréciation précise de leur gravité, en évaluant leur étendue et leur profondeur. Le pronostic vital du patient est engagé dès que la surface brûlée dépasse 20% de la surface corporelle chez l’adulte et 10% chez l’enfant. Elles nécessitent alors des soins initiaux, mais surtout une prise en charge rapide en milieu de réanimation, si possible en réanimation chirurgicale spécialisée dans le traitement des brûlés.

Prise en charge initiale du brûlé. Toutes les mesures thérapeutiques découlent de l’évaluation initiale de l’étendue et de la profondeur de la brûlure.

L’étendue de la brûlure est généralement appréciée par la règle des 9 de Wallace :
- Atteinte de la tête et du cou : 9% soit 4,5% pour chaque face (antérieure ou postérieure)
- Chaque membre supérieur : 9% dont 4,5% pour la face antérieure et 4,5% pour la face postérieure
- Chaque membre inférieur : deux fois 9% dont 9% pour la face antérieure et 9% pour la face postérieure
- Tronc et abdomen : deux fois 9% pour la face antérieure et pour la face postérieure
- organes génitaux externes : 1%
Il est obligatoire de consigner la localisation des brûlures constatées initialement sur un schéma du corps reproduit sur l’observation (vue postérieure et vue antérieure).

Il est par contre difficile de reconnaître en urgence le degré de profondeur d’une brûlure, et pourtant dans certaines conditions ce diagnostic serait essentiel pour la conduite du traitement. La plus utilisée est celle de Gosset et Baux en trois degrés de profondeur :
- le premier degré se présente sous la forme d’un simple érythème. Il s’agit d’une brûlure bénigne dont l’évolution est spontanément favorable en deux à trois jours.
- le deuxième degré se présente sous la forme de phlyctène. Il s’agit d’une atteinte de l’épiderme sans atteinte de la couche basale de Malpighi séparant l’épiderme du derme. L’évolution est en général favorable dans un délai de 8 jours environ.
- le troisième degré est le plus grave. L’aspect clinique est variable. La peau peut être cartonnée blanchâtre, avec de fines veinules thrombosées visibles par transparence. Classiquement, la zone de brûlure est insensible. Le derme et l’épiderme sont complètement détruits. L’évolution se fait vers l’escarrification.

Il existe en fait des lésions intermédiaires entre le deuxième et le troisième degré, très difficiles à reconnaître :
            « Il faut insister sur le fait fondamental que le degré de l’atteinte cutanée par le traumatisme thermique est fonction du débit calorique de l’agent vulnérant, c’est-à-dire proportionnel à son intensité et à sa durée d’action. Or celles-ci sont souvent variables d’un point à un autre. Plus souvent qu’une lésion précise à dessin net, la brûlure sera une mosaïque d’atteintes de différentes profondeurs aux contours estompés. D’autre part son siège, par suite de différences d’épaisseur et de qualité de la peau, va lui imprimer des aspects évolutifs différents. »
            « Enfin la distinction clinique entre les divers degrés, facile pour les extrêmes, est très aléatoire dans les formes habituelles, tout au moins au début. C’est alors le caractère évolutif qui permet seulement le diagnostic, d’où la préférence que l’on doit accorder à des traitements locaux temporisateurs plutôt qu’à des actes agressifs de principe, en dehors du cas des brûlures très limitées. »              ( Serge BAUX).

Il est enfin possible de combiner ces deux paramètres (étendue et profondeur) pour arriver à un diagnostic de gravité. L’unité est le BUS (« burn unit standard »). Chaque 1% de surface brûlée correspond à :
- 1 unité BUS quand il est superficiel
- 4 unités BUS quand la lésion est du troisième degré
BUS = % total + (% 3 ème degré * 3)
La brûlure est considérée comme grave mettant en jeu le pronostic vital quand le nombre de BUS est supérieur à 100.

D’autres éléments de gravité doivent être retenus :
- L’âge : les âges extrêmes sont les plus exposés (vieillard et enfant). A titre indicatif, la probabilité de mortalité à 50% dans une tranche d’âge déterminée en fonction de l’étendue des brûlures est donné par l’indice LA 50
Age
LA 50
0-4
55,3
5-34
65,8
35-49
54,2
50-59
45,9
60-74
30,6
>75
18

- la localisation : les brûlures des voies aériennes supérieures font courir un risque vital,
 les brûlures du périnée font courir un risque infectieux, les brûlures des mains et des paupières font courir un risque fonctionnel
- en fonction des lésions associées notamment chez le polytraumatisé
- en fonction de la précocité du traitement

Enfin l’agent vulnérant doit être identifié. Les principales brûlures sont :
-les brûlures thermiques
-les brûlures électriques (risque d’atteinte vasculaire avec thrombose artérielle et ischémie des membres, risque de nécrose musculaire avec myoglobinurie, syndrome des loges)
-les brûlures chimiques (risque d’atteinte oculo-faciale)
-les brûlures par radiations ionisantes   (explosion nucléaire)

Les premiers soins.
- Dans un premier temps, le brûlé doit être débarrassé de ses vêtements, tout au moins en regard des zones brûlées dans les cas les moins graves
-La première préoccupation est d’assurer les fonctions vitales :
            Un abord intraveineux doit être posé si possible en zone non brûlée pour perfuser une  solution de Ringer Lactate  à raison de 20 ml/kg dans la première heure dès que l’étendue de la brûlure dépasse 10% de la surface corporelle. Il faut en effet combattre l’hypovolémie due à la vasoplégie, provoquant une extravasation plasmatique dans le secteur interstitiel. Il faut pour cela utiliser des solutés isotoniques.
            L’opportunité d’une intubation après sédation doit être discutée en cas de brûlures cervico-faciales, pulmonaires (inhalation de gaz chauds) ou profonde thoracique. Elle est conseillée de toute façon chez le grand brûlé, surtout si le terrain n’est pas favorable (antécédents cardio-respiratoires, sujet âgé).
-Les autres mesures systématiques sont les suivantes :
            Morphine intraveineuse à raison de 2 mg  pour commencer
            Héparinothérapie à raison de 50 UI/kg avec contrôle du TCA
            Vaccination antitétanique
            Pas d’antibiotique
-Le brûlé doit être placé dans une pièce calme, chauffée pour éviter la déperdition calorique
-Enfin seulement, les brûlures doivent être désinfectées en utilisant des ammoniums quaternaires et de la bio gaze. Elles seront enveloppées dans un pansement stérile. La meilleure estimation des brûlures se fait après nettoyage.

Un bilan doit être entrepris :
- en accordant une importance particulière à certaines localisations de brûlure :
les brûlures du périnée nécessitent la pose d’une sonde urinaire pour éviter la contamination bactérienne par les urines
Les brûlures internes sous-glottiques sont évoquées lorsque le brûlé a inhalé du gaz très chaud (air humide à plus de 500° ou vapeur). Le risque est la survenue d’un œdème lésionnel avec syndrome de détresse respiratoire aiguë. Les gaz du sang et la radiographie du thorax ne sont d’aucun secours car normaux au départ. Une mesure de l’HbCO doit être systématiquement effectuée pour dépister une intoxication au CO. La prise en charge en centre de réanimation des brûlés est nécessaire pour effectuer rapidement une bronchoscopie et instituer la réanimation ventilatoire adaptée. Le pronostic est très sombre.
Les atteintes oculaires sont fréquentes en cas de brûlures chimiques et nécessitent un lavage aqueux abondant et prolongé en attendant un avis ophtalmologique

-des ischémies des membres doivent être recherchées en cas de brûlures circonférentielles, de brûlures électriques. Cliniquement, ces ischémies sont suspectées devant l’œdème induré des segments de membre intéressés, les douleurs traçantes dans les extrémités en dehors des zones brûlées, et plus tardivement l’abolition des pouls distaux. Des gestes chirurgicaux simples sont indiqués en urgence : incisions de décharge, voire aponévrotomies.

- les antécédents du brûlé doivent être précisés. Ils sont très importants dans le pronostic, en particulier l’existence d’une insuffisance cardiaque ou respiratoire, qui compliqueront les mesures de réanimation.


-il faut ensuite rechercher les lésions associées, par exemple d’autres fractures. Si le brûlé doit être pris en charge en réanimation, uns stabilisation par fixation externe des foyers fracturaires est nécessaire pour faciliter les pansements et le nursing. Si la chirurgie n’est pas possible, des systèmes d’immobilisation transitoires doivent être mis en place en attendant l’installation du brûlé en réanimation et la mise en place de tractions suspensions

Orientation du brûlé. Seuls des centres spécialisés avec des réanimateurs et des personnels paramédicaux entraînés aidés par des installations adaptées peuvent assurer la difficile réanimation du brûlé. Des chirurgiens spécialisés sont seuls aptes à juger du moment opportun d’une chirurgie d’excision/greffe ou d’avulsion des brûlures profondes.

Le brûlé doit donc être adressé au plus vite dans un de ces centres dès que l’étendue de la brûlure dépasse 10%, en cas de suspicion de brûlure sous-glottique, de brûlure de la face ou du périnée.

L’intervention sur place, avant le transfert , du réanimateur est souhaitable pour juger de l’opportunité d’une intubation, pour superviser la réanimation liquidienne.

En attendant le transfert, une surveillance doit être instituée :
-clinique : pouls, tension artérielle, température, diurèse recueillie par la sonde urinaire. La diurèse doit idéalement être maintenue entre 0,8 à 1,5 ml/kg/h chez l’adulte et 1à 2 ml/kg/h chez le jeune enfant

-biologique : surveillance de l’hématocrite pour éviter l’hémoconcentration. Celui-ci doit rester inférieur à 50%

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