PRISE EN CHARGE DES
BRULES ET PREMIERS SOINS
(Professeur Philippe MASSIN)
Les brûlures
sont des agressions cutanées fréquentes de gravité variable. Leur prise en
charge doit commencer par une appréciation précise de leur gravité, en évaluant
leur étendue et leur profondeur. Le pronostic vital du patient est engagé dès
que la surface brûlée dépasse 20% de la surface corporelle chez l’adulte et 10%
chez l’enfant. Elles nécessitent alors des soins initiaux, mais surtout une
prise en charge rapide en milieu de réanimation, si possible en réanimation
chirurgicale spécialisée dans le traitement des brûlés.
Prise en charge initiale du brûlé. Toutes
les mesures thérapeutiques découlent de l’évaluation initiale de l’étendue et
de la profondeur de la brûlure.
L’étendue de la
brûlure est généralement appréciée par la règle des 9 de Wallace :
- Atteinte de
la tête et du cou : 9% soit 4,5% pour chaque face (antérieure ou postérieure)
- Chaque membre
supérieur : 9% dont 4,5% pour la face antérieure et 4,5% pour la face
postérieure
- Chaque membre
inférieur : deux fois 9% dont 9% pour la face antérieure et 9% pour la face
postérieure
- Tronc et
abdomen : deux fois 9% pour la face antérieure et pour la face postérieure
- organes
génitaux externes : 1%
Il est obligatoire de consigner la localisation
des brûlures constatées initialement sur un schéma du corps reproduit sur
l’observation (vue postérieure et vue antérieure).
Il est par
contre difficile de reconnaître en urgence le degré de profondeur d’une
brûlure, et pourtant dans certaines conditions ce diagnostic serait essentiel
pour la conduite du traitement. La plus utilisée est celle de Gosset et Baux en
trois degrés de profondeur :
- le premier
degré se présente sous la forme d’un simple érythème. Il s’agit d’une brûlure
bénigne dont l’évolution est spontanément favorable en deux à trois jours.
- le deuxième
degré se présente sous la forme de phlyctène. Il s’agit d’une atteinte de
l’épiderme sans atteinte de la couche basale de Malpighi séparant l’épiderme du
derme. L’évolution est en général favorable dans un délai de 8 jours environ.
- le troisième
degré est le plus grave. L’aspect clinique est variable. La peau peut être
cartonnée blanchâtre, avec de fines veinules thrombosées visibles par
transparence. Classiquement, la zone de brûlure est insensible. Le derme et
l’épiderme sont complètement détruits. L’évolution se fait vers
l’escarrification.
Il existe en
fait des lésions intermédiaires entre le deuxième et le troisième degré, très
difficiles à reconnaître :
« Il faut insister sur le fait
fondamental que le degré de l’atteinte cutanée par le traumatisme thermique est
fonction du débit calorique de l’agent vulnérant, c’est-à-dire proportionnel à
son intensité et à sa durée d’action. Or celles-ci sont souvent variables d’un
point à un autre. Plus souvent qu’une lésion précise à dessin net, la brûlure
sera une mosaïque d’atteintes de différentes profondeurs aux contours estompés.
D’autre part son siège, par suite de différences d’épaisseur et de qualité de
la peau, va lui imprimer des aspects évolutifs différents. »
« Enfin la distinction clinique
entre les divers degrés, facile pour les extrêmes, est très aléatoire dans les
formes habituelles, tout au moins au début. C’est alors le caractère évolutif
qui permet seulement le diagnostic, d’où la préférence que l’on doit accorder à
des traitements locaux temporisateurs plutôt qu’à des actes agressifs de
principe, en dehors du cas des brûlures très limitées. »
( Serge BAUX).
Il est enfin
possible de combiner ces deux paramètres (étendue et profondeur) pour arriver à
un diagnostic de gravité. L’unité est le BUS (« burn unit
standard »). Chaque 1% de surface brûlée correspond à :
- 1 unité BUS
quand il est superficiel
- 4 unités BUS
quand la lésion est du troisième degré
BUS = % total +
(% 3 ème degré * 3)
La brûlure est
considérée comme grave mettant en jeu le pronostic vital quand le nombre de BUS
est supérieur à 100.
D’autres
éléments de gravité doivent être retenus :
- L’âge :
les âges extrêmes sont les plus exposés (vieillard et enfant). A titre
indicatif, la probabilité de mortalité à 50% dans une tranche d’âge déterminée
en fonction de l’étendue des brûlures est donné par l’indice LA 50
Age
|
LA 50
|
0-4
|
55,3
|
5-34
|
65,8
|
35-49
|
54,2
|
50-59
|
45,9
|
60-74
|
30,6
|
>75
|
18
|
- la
localisation : les brûlures des voies aériennes supérieures font courir un
risque vital,
les brûlures du périnée font courir un risque
infectieux, les brûlures des mains et des paupières font courir un risque
fonctionnel
- en fonction
des lésions associées notamment chez le polytraumatisé
- en fonction
de la précocité du traitement
Enfin l’agent
vulnérant doit être identifié. Les principales brûlures sont :
-les brûlures
thermiques
-les brûlures
électriques (risque d’atteinte vasculaire avec thrombose artérielle et ischémie
des membres, risque de nécrose musculaire avec myoglobinurie, syndrome des
loges)
-les brûlures
chimiques (risque d’atteinte oculo-faciale)
-les brûlures
par radiations ionisantes (explosion
nucléaire)
Les premiers soins.
- Dans un
premier temps, le brûlé doit être débarrassé de ses vêtements, tout au moins en
regard des zones brûlées dans les cas les moins graves
-La première
préoccupation est d’assurer les fonctions vitales :
Un abord intraveineux doit être posé
si possible en zone non brûlée pour perfuser une solution de Ringer Lactate à raison de 20 ml/kg dans la première heure
dès que l’étendue de la brûlure dépasse 10% de la surface corporelle. Il faut
en effet combattre l’hypovolémie due à la vasoplégie, provoquant une
extravasation plasmatique dans le secteur interstitiel. Il faut pour cela
utiliser des solutés isotoniques.
L’opportunité d’une intubation après
sédation doit être discutée en cas de brûlures cervico-faciales, pulmonaires
(inhalation de gaz chauds) ou profonde thoracique. Elle est conseillée de toute
façon chez le grand brûlé, surtout si le terrain n’est pas favorable
(antécédents cardio-respiratoires, sujet âgé).
-Les autres
mesures systématiques sont les suivantes :
Morphine intraveineuse à raison de 2
mg pour commencer
Héparinothérapie à raison de 50
UI/kg avec contrôle du TCA
Vaccination antitétanique
Pas d’antibiotique
-Le brûlé doit
être placé dans une pièce calme, chauffée pour éviter la déperdition calorique
-Enfin
seulement, les brûlures doivent être désinfectées en utilisant des ammoniums
quaternaires et de la bio gaze. Elles seront enveloppées dans un pansement
stérile. La meilleure estimation des brûlures se fait après nettoyage.
Un bilan doit
être entrepris :
- en accordant
une importance particulière à certaines localisations de brûlure :
les brûlures du
périnée nécessitent la pose d’une sonde urinaire pour éviter la contamination
bactérienne par les urines
Les brûlures
internes sous-glottiques sont évoquées lorsque le brûlé a inhalé du gaz très
chaud (air humide à plus de 500° ou vapeur). Le risque est la survenue d’un
œdème lésionnel avec syndrome de détresse respiratoire aiguë. Les gaz du sang
et la radiographie du thorax ne sont d’aucun secours car normaux au départ. Une
mesure de l’HbCO doit être systématiquement effectuée pour dépister une
intoxication au CO. La prise en charge en centre de réanimation des brûlés est
nécessaire pour effectuer rapidement une bronchoscopie et instituer la
réanimation ventilatoire adaptée. Le pronostic est très sombre.
Les atteintes
oculaires sont fréquentes en cas de brûlures chimiques et nécessitent un lavage
aqueux abondant et prolongé en attendant un avis ophtalmologique
-des ischémies
des membres doivent être recherchées en cas de brûlures circonférentielles, de
brûlures électriques. Cliniquement, ces ischémies sont suspectées devant
l’œdème induré des segments de membre intéressés, les douleurs traçantes dans
les extrémités en dehors des zones brûlées, et plus tardivement l’abolition des
pouls distaux. Des gestes chirurgicaux simples sont indiqués en urgence :
incisions de décharge, voire aponévrotomies.
- les
antécédents du brûlé doivent être précisés. Ils sont très importants dans le
pronostic, en particulier l’existence d’une insuffisance cardiaque ou
respiratoire, qui compliqueront les mesures de réanimation.
-il faut
ensuite rechercher les lésions associées, par exemple d’autres fractures. Si le
brûlé doit être pris en charge en réanimation, uns stabilisation par fixation
externe des foyers fracturaires est nécessaire pour faciliter les pansements et
le nursing. Si la chirurgie n’est pas possible, des systèmes d’immobilisation
transitoires doivent être mis en place en attendant l’installation du brûlé en
réanimation et la mise en place de tractions suspensions
Orientation du brûlé.
Seuls des centres spécialisés avec des réanimateurs et des personnels
paramédicaux entraînés aidés par des installations adaptées peuvent assurer la
difficile réanimation du brûlé. Des chirurgiens spécialisés sont seuls aptes à
juger du moment opportun d’une chirurgie d’excision/greffe ou d’avulsion des
brûlures profondes.
Le brûlé doit
donc être adressé au plus vite dans un de ces centres dès que l’étendue de la
brûlure dépasse 10%, en cas de suspicion de brûlure sous-glottique, de brûlure
de la face ou du périnée.
L’intervention
sur place, avant le transfert , du réanimateur est souhaitable pour juger de
l’opportunité d’une intubation, pour superviser la réanimation liquidienne.
En attendant le
transfert, une surveillance doit être instituée :
-clinique :
pouls, tension artérielle, température, diurèse recueillie par la sonde
urinaire. La diurèse doit idéalement être maintenue entre 0,8 à 1,5 ml/kg/h
chez l’adulte et 1à 2 ml/kg/h chez le jeune enfant
-biologique :
surveillance de l’hématocrite pour éviter l’hémoconcentration. Celui-ci doit
rester inférieur à 50%
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